dimanche 7 juillet 2013

Le Four

Samedi 6 juillet 2013
Le Four 
PM 16h34 coeff 66 3b NNE annoncé

20 kayakistes dans 19 bateaux
Marie-Laure, Anny, Mélanie, Viviane
Thierry, Marc, Pierre-Dominique, Hervé, Franck, Philippe, Sylvain,
Frantz et Frère, Jean-Claude, Roger, Alex, Christian, Bruno, Yannick, Eric


Comment décrire l'absence ? L'absence de houle, de nausée, de froid. Pas un nuage. Une douce brise, juste à point pour nous rafraîchir, et des vagues parfaites pour surfer. Aujourd'hui, j'ai frôlé le niveau zéro du stress.
Il y a des absences qui font mal, et des disparitions qui soulagent. Au début, ces dernières ne sont pas nécessairement agréables pour autant : une sensation de désordre prédomine, jusqu'à ce que les anciens souvenirs soient progressivement balayés...
Le soleil est là, tellement intense que, par contraste, le ciel voilé de mes dernières sorties me revient à l'esprit, particulièrement sombre... Mais c'est surtout le calme qui me déstabilise. Qu'est-ce que j'ai pu être bringuebalée dans tous les sens, durant cet hiver qui a duré six mois ! Alors je sens que quelque chose est différent de d'habitude, mais je mets du temps à comprendre quoi... Je ne suis pas la seule apparemment, car, sur le chemin du retour, Marie-Laure s'exclamera : "Quel temps splendide ! On se croirait en été !"

Les touristes n'ont-ils pas non plus eu le temps de réaliser ? Nous nous acheminons sans encombre vers Le Croisic, et nous garons devant Port-aux-Rocs avec aisance (au passage, les filles apprécieront le petit coin du même nom, derrière le muret d'enceinte). Nous embarquons à vingt, dans dix-neuf bateaux, Christian et moi en tandem.
Marie-Laure donne quelques conseils à Hugo, le frère de Frantz, qui débute en kayak, et le groupe part, plein d'entrain, à vive allure : le phare du Four, tout droit ! Grisés par la facilité du pagayage en duo, mon coéquipier et moi filons dans le peloton de tête. (Eh ! Eh ! Pour une fois, je ne suis pas à la traîne !)
Bientôt pourtant, le naturel du berger reprend le dessus, et Christian ralentit pour veiller sur les débutants et autres retardataires. (Je ne peux qu'être solidaire ! ) Alex et Hugo s'en sortent à merveille, Phiphi reste en soutien, tout le monde va bien...
Tout le monde ? Alors pourquoi ai-je l'impression d'entendre crier au loin ? C'est Viviane, que son dos malmené par les secousses fait souffrir au point de craquer : elle veut faire demi-tour. Je fais signe à Phiphi de patienter, mais nous ne nous comprenons pas. Le reste du groupe est trop loin, nous n'avons pas de VHF, impossible de communiquer. Tant pis ! Viviane ne peut pas rentrer toute seule, nous la raccompagnons. Christian est un peu inquiet : nous allons prendre du retard, parviendrons-nous à rejoindre le groupe ensuite ?
C'est là que je réalise en quoi cette journée est différente : je suis zen, absolument confiante ! Évidemment, nous allons réussir ! A deux, on va deux fois plus vite, non ? Et nous voilà lancés dans une série de surfs délectables ! (De temps en temps, nous nous arrêtons pour attendre Viviane : nous sommes censés l'escorter, pas jouer !)
Le temps de ramener Viviane à bon port, nous ne voyons plus personne quand nous repartons vers le large. Le kayakiste, minuscule point sur l'eau, est difficile à repérer ! En temps normal, c'est là que je me mettrais à pester et à me sentir abandonnée. (Si ! Si ! Roger est témoin !) Mais pas aujourd'hui ! C'est quasiment moi qui rassure Christian !
Nous pagayons efficacement, en discutant tout du long, si bien que la remontée vers le Four passe en un éclair. Nous rattrapons les autres... juste devant le phare ! Hourra !

La houle est plus marquée par ici. Est-ce lié au plateau du Four, qui n'affleure qu'à marée basse ? Une sorte de colline sous-marine, repérable à sa couleur jaune, crée même une vague statique un peu plus loin : nous irons la titiller avant de regagner la côte. Mais d'abord, nous avons hâte de faire le tour du phare ! "Attention à tourner dans le sens de l'hélice !" nous prévient Hervé. Je me demande quel genre de monstre des mers est prêt à surgir des profondeurs pour s'abattre sur les imprudents qui auraient le malheur de se tromper... Brrr ! Mieux vaut ne pas savoir !
Tout le monde semble avoir respecté la consigne, puisque nous sommes au grand complet lorsque Pierre-Dominique prend la très joyeuse photo de groupe. Eric remarque la jolie déclinaison de phares aux motifs noirs et blancs : après le damier de la Perdrix, l'hélice du Four...
Pour notre deuxième retour vers la côte, nous sommes rodés ! Nous enchaînons de belles séries de surfs, non sans faire le chien de berger entre Jean-Claude, à l'Ouest, et Alex, qui se laisse entraîner vers Saint-Nazaire ! Même si nous visons le château de Ports-aux-Rocs, repère bien visible entre deux bouquets d'arbres, il faut faire cap plus à gauche, vers la pointe avec les maisons blanches, car le courant nous déporte vers la droite.
Je ne me sens pas trop fatiguée quand nous arrivons près du rivage : alors nous repartons, avec Hervé, tenir compagnie à Hugo et Frantz. Ils sont restés en arrière du groupe, escortés par Sylvain qui en profite pour pêcher tranquillement... Et voilà comment nous avons fait non pas un, ni deux, mais trois allers-retours depuis Le Croisic le même jour !

En débarquant, je n'ai qu'une envie : me jeter à l'eau ! Ouah ! Quel bonheur de pouvoir nager dans une mer enfin chaude ! Débarrassée de mon attirail de kayakiste, je me sens légère, et j'avance sur les mains de rocher en rocher jusqu'à trouver suffisamment de profondeur pour pouvoir évoluer sans égratignure. Chemin faisant, j'admire les irréductibles qui s'exercent à esquimauter. Hervé enchaîne quatre roulades à la suite, dans son style syncopé bien à lui, tout en énergie et détermination ! Pierre-Dominique nous offre une farandole de figures variées, pleines de naturel et de fluidité...
Ce spectacle inspire Christian, qui ré-embarque dans le Xcape pour aller faire quelques cabrioles à son tour. Je regagne la plage en même temps que lui : "Tu veux essayer ? -Après tout, pourquoi pas ?"
Cela fait longtemps que je n'ai pas esquimauté : depuis la première séance en piscine de l'année, exactement. J'ai un moment de doutes : serai-je capable de retrouver le geste ? Je ne l'ai pas pratiqué souvent... Et puis, avec le temps, j'ai dû oublier ! La dernière fois, j'ai eu besoin de m'exercer avec des bidons avant de réussir avec la pagaie... Aurai-je suffisamment d'énergie, après cette longue après-midi en mer ? Ne serai-je pas ridicule à côté de mes voisins, cent fois plus expérimentés ? Alors je demande à Marie-Laure de m'accompagner, pour me rassurer.
Et là, à nouveau l'absence. L'absence de préjugés, de pression, de compétition. Je vais essayer, et voir ce que ça donne : c'est tout.
Je visualise le mouvement mentalement : faire corps avec le kayak, plonger, attendre qu'il soit complètement retourné, se projeter en arrière, garder la pagaie bien plaquée contre la poitrine, remonter sur le bateau par les épaules, relever la tête au dernier moment. Je me concentre, je ferme les yeux, et je me lance. Je déroule le film intérieur, les sensations en prime : la respiration bloquée, la rigidité du bateau contre mes bras, la douceur de l'eau qui m'enveloppe, les bruits étouffés, la rotation du kayak, la lumière qui revient à travers les paupières, l'impulsion pour me cabrer, l'effet ressort, la résistance de l'eau sous la pagaie, le contact de la plage arrière sous mon dos, le retour à la position verticale, au monde aérien... Miracle ! J'ai réussi !
Je suis tellement contente ! Je recommence aussitôt !
Un jour, je saurai esquimauter pour me rétablir, quand une vague m'aura renversée, comme j'ai déjà vu Sylvain et d'autres faire : je n'y suis pas encore, mais je progresse...

Il est 19 heures 30 quand nous remontons dans les voitures : personne ne semble pressé de rentrer. Nous avons partagé des gâteaux, prêté et emprunté du matériel, échangé des commentaires, des conseils, des encouragements. Nous aurons tous des courbatures demain, plus ou moins... Je me sens bien, détendue, comme après les séances de natation dans la piscine découverte de mon enfance. J'ai encore de l'eau dans le nez, et du soleil plein la tête...
Alors que nous roulons le long de la côte sauvage, je savoure la beauté du paysage et la douceur de cette magnifique soirée... de véritable été !


Mélanie


1 commentaire:

  1. Bravo les kayakistes !

    Et pour celles et ceux qui souhaitent découvrir Le Croisic :
    http://lecroisic-jmg.jimdo.com/

    Kenavo, ave chal

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