A
l'origine, Philippe voulait nous emmener à Quiberon... mais la météo
en a décidé autrement ! Pendant toute la semaine de Noël, le vent
a soufflé tant et si bien, l'océan a enflé si fort, que les
embarcations s'envolaient ! (C'est ainsi qu'est né le kite-surf...
mais c'est une autre histoire !)
Alors
nous avons embarqué à Sucé, pour descendre l'Erdre jusqu'à
Nantes.
Bien
sûr, il y a eu des déçus ! Des inconditionnels de l'eau salée,
des fanas de surf, et même Cathy, qui rêvait d'une balade sur
l'Erdre... et qui était partie pour la St Sylvestre !
Personnellement,
j'étais plutôt soulagée. Non que je fusse dupe des boniments du
G.O. (depuis quand organise-t-on des "sorties cool" au SNOS
?), mais simplement parce qu'en rivière, je me sens en sécurité :
si jamais quelque chose se passe mal, on peut toujours se réfugier
au bord. Et puis, j'ai de bons souvenirs de navigation en eau
douce...
Dès
notre arrivée, on a senti le contraste avec la mer ! L'humidité
d'abord, cette fraîcheur subite qui me rappelle le petit matin après
une nuit à la belle étoile... L'air est moins iodé, tout nu sans
les embruns ! L'eau est plus froide aussi, et tellement calme... Sur
cette belle surface lisse, les paysages se reflètent, petites
merveilles de la nature...
Je me
mets à pagayer, cela paraît tellement facile, sans les vagues, sans
le vent, sans tout ce tumulte habituel de nos sorties en mer ! Et
puis, cette fois-ci, Hervé a réparé la dérive du Xcape, je peux
même m'en servir ! (Les puristes me diront qu'il n'y en a pas
besoin, mais je les laisse causer ! C'est plus facile avec, et j'ai
une longue journée devant moi, autant m'économiser !)
L'aller
se passe sans encombre, sous le soleil même ! Quelle douceur de se
laisser chauffer à ses rayons, en cette période où les journées
sont si courtes ! J'admire le décor naturel, les belles demeures qui
jonchent les rives, je salue au passage les rameurs qui nous doublent
sans bruit...
Ils me
rappellent l'époque où je faisais de l'aviron sur la Seine : à
peine sortis de l'effervescence de la capitale, on se retrouvait au
vert, à savourer le silence et la fluidité de mouvements
parfaitement synchronisés... Floufff, floufff, floufff... La
paisible musique des pelles qui effleurent à peine la surface de
l'eau, comme les ailes du cygne qui prend son envol...
En
kayak, le geste est plus difficile à maîtriser, peut-être parce
qu'il est asymétrique : j'ai toujours l'impression de devoir forcer
plus à gauche qu'à droite ! Mais je compense en tenant ma pagaie
légèrement décalée. (J'adoore ma pagaie groenlandaise ! On peut
jouer avec de mille manières ! Et puis c'est un bel objet... et
c'est moi qui l'ai fabriquée !)
Peu à
peu, les habitations se densifient, on voit de plus en plus de
promeneurs le long des rives. Une passerelle en bois, un petit pont,
l'occasion de jouer à cache-cache et... on arrive à Nantes ! Un
bateau-mouche nous double, les péniches rivalisent de charme et
d'originalité, je reconnais des endroits où je suis venue par la
terre, autrefois : les ateliers Normand, l'île de Versailles...
Depuis que je fais du kayak, je ne vois plus la géographie de la
même manière !
Nous
continuons encore un peu, pour découvrir le tunnel Saint-Félix, où
Philippe nous a promis une séquence émotion. Les feux sont au vert
: Christian enfile sa lampe frontale, et c'est parti ! Des aboiements
résonnent dans la cavité, qui est plus éclairée que je ne
l'imaginais, nous entrons en cortège resserré, c'est un peu
impressionnant... Il y a du courant, on avance sans avoir à pagayer
! Sur le bord, une allée piétonne avec des bornes de secours ; au
plafond, les feux nous indiquent que nous avançons dans le sens
autorisé... Par où allons-nous revenir ? Y a-t-il une voie
parallèle, en sens inverse ?
La
traversée dure un bon moment, sous les voies ferrées... Nous
débouchons au pied de la splendide tour de l'usine LU : d'habitude,
je viens là en train !
C'est
calme ici, petite enclave aquatique au milieu du centre-ville ! De
grands panneaux nous signalent qu'il faut tirer sur la manette pour
demander le passage. Ah ! Ils sont drôles ! Celle-ci pend à un
mètre cinquante au dessus de l'eau : à hauteur de bateau, mais pas
de kayak ! Il y a bien un sympathique pêcheur sur la rive, mais la
corde est trop loin du bord pour qu'il puisse nous aider. Un petit
moment de flottement, puis Philippe se dévoue : un radeau pour le
tenir, et il se met debout dans son hiloire.
Première
tentative : c'est raté ! (Ce petit jeu, c'est pire que d'attraper la
queue du Mickey dans un manège !) Deuxième essai... réussi !
Suspense... Oui ! Le panneau d'affichage indique que le passage sera
ouvert dans dix minutes ! Hourra !
Un peu
de patience et ... Bizarre ! Le panneau annonce "bateau bloqué,
navigation interdite" Le tunnel est courbe, on ne voit pas ce
qui se passe à l'autre bout : on attend. Je commence à avoir froid,
et puis faim : nous avons pagayé à un bon rythme, plus de deux
heures, et mon petit-déjeuner est loin !
L'attente
se prolonge, le doute s'installe : qu'est-ce que le système a
détecté ? Le bateau bloqué, ce ne serait pas nous, par hasard ?
Alors, on traverse pour s'amarrer en face, dans la zone d'attente
pour les bateaux. Mais rien ne se passe...
Ca
devient lassant, cette alternance des messages lumineux : "bateau
bloqué"... "navigation interdite"... "bateau
bloqué"... C'est bon, on a compris !
Alors
là, Philippe fait un truc magique : il prend une décision ! On va
manger. Le cadre n'est pas idéal, mais ça ira. Youpi ! (J'ai les
crocs !) Nous le suivons tous vers une passerelle hospitalière, à
quelques mètres de là... Pas le temps de déjuper, quelqu'un
s'écrie : "C'est vert !" Vite ! Vite ! Demi-tour toute, et
nous revoilà dans le tunnel, morts de rire...
Tiens !
Je n'avais pas remarqué ces remous, à l'aller. Christian propose de
me tracter : ben voyons ! Comme si j'allais me laisser effrayer par
quelques petites vaguelettes de rien du tout ! Evidemment, je suis un
peu fatiguée, et puis le courant, je ne connais pas trop sa force...
mais je vais tester !
Bouh !
Il fait sombre là-dessous, et je ne progresse pas efficacement...
Christian insiste, il a l'air inquiet : "il vaut mieux sortir de
là le plus vite possible ! " Bon, d'accord ! Je me laisse
remorquer ! Mais c'est juste pour le rassurer !
Il part
à fond la caisse, alors je suis bien obligée de suivre... Et nous
n'avançons pas si vite que ça ! Pierre-Dominique vient s'atteler à
gauche, pour soulager Christian. Enfin, nous commençons à rattraper
le groupe... Le tunnel me paraît encore plus long qu'à l'aller !
Finalement, je suis bien contente de ne pas avoir eu à lutter seule
contre le courant : je n'aurais pas tenu jusqu'au bout...
La
suite, je la passe en accéléré parce que j'ai promis de faire un
compte-rendu court, pour une fois ! Déjeuner devant le Conseil
Général, sur des marches en pierre. Echanges de recettes et astuces
pratiques. Martine me donne envie avec ses chaussettes toutes douces.
Eric nous sort un saladier pliable d'enfer, et Hervé un cake à se
damner ! Très bonne ambiance jusqu'à ce qu'il se mette à
pleuvoir... à grosses gouttes !
Débandade
! Remarque pertinente de Marie-Laure, qui observe les nuages : "ça
ne va pas durer, allons nous abriter !" (C'est l'avantage de la
ville : pas de toilettes, mais des auvents !) Rigolade.
La pluie
cesse, on embarque. Adieu, Nantes !
Pagayer,
encore et toujours... En mer, au moins, on est parfois aidés par les
vagues ou le courant... Ici, rien ! Les éléments sont neutres.
Je
prends le rythme, mais c'est l'heure de ma sieste ! Je n'arrive pas à
suivre. Je suis tiraillée entre l'envie de profiter de la balade, de
m'amuser un peu, et la gêne de devoir faire attendre le groupe (dès
qu'on s'arrête, on a froid !).
De temps
en temps, pour me détendre, je m'allonge sur le dos et je contemple
le ciel, tout en pagayant tranquillement : c'est magique !
J'accumule
la fatigue, je baisserais bien les bras... mais non ! J'irai jusqu'au
bout !
Le
groupe ne m'attend pas beaucoup... Je mange des abricots secs pour
reprendre un peu d'énergie. Même pas la force d'en proposer aux
autres... (Pourtant, le cœur y est !) Au fait, où est passé mon
petit dopant préféré ? Christian a-t-il oublié sa rituelle
tournée de mini-Mars ? Je deviens chiante... Hervé finit par sortir
les barres chocolatées de leur cachette : qu'est-ce que c'est bon !
Pause
suivante, le groupe me laisse passer devant : je me sens un peu
ridicule, un peu seule, mais tant pis ! Cela ne durera pas.
Evidemment, Franck et Martine, en K2, ont tôt fait de me dépasser !
Françoise, Viviane et quelques autres me tiennent compagnie, à tour
de rôle. Il n'y a plus guère d'avirons, à cette heure, mais on
croise un canoë, et des kayaks de course. (Quel geste magnifique,
avec leurs immenses pagaies !) On voit même des gondoles !
"Le
clocher ! On est bientôt arrivés !" Si c'est une blague, elle
n'est pas drôle... Mais, non ! Je reconnais le restaurant, sur la
rive ! Je retrouve le sourire...
Une fois
au sec, avec du thé au rhum et des bons gâteaux, j'oublie les
muscles qui me font mal de partout, et je regarde l'Erdre avec
gratitude : quelle belle balade !
Ce qui
me fait le plus rire, c'est quand, une fois la remorque chargée, la
voiture de Philippe refuse de redémarrer ! En temps normal, je
déteste tomber en panne, mais, là, je sais que nous pouvons compter
sur le groupe ; d'ailleurs, Marie-Laure a déjà sorti les câbles
pour relancer la batterie. Alors je m'écrie : "Chic ! Encore un
truc à raconter dans le compte-rendu !"
Mélanie